Position de la SIF sur la mise en place des Zones à régime restrictif (ZRR)

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sifLogoSeul2 avril 2014

Les « Zones à régime restrictif » (ZRR) sont actuellement en discussion. Il s’agit de mesures de sécurité s’appliquant aux laboratoires de recherche. Le régime de sécurité proposé est nettement plus contraignant que le précédent (ERR) ; de plus, le nombre de laboratoires concernés passe de 150 ERR à 500 ZRR. Les ZRR s’appliqueraient, non seulement aux recherches touchant la sécurité et la défense, mais aussi aux « intérêts économiques de la nation », ce qui consiste de fait à inclure quasiment toute recherche : l’ensemble des disciplines scientifiques, hors sciences humaines, semble concerné.

Une ZRR fait l’objet de restrictions diverses :

  • Tout accès est soumis à un avis favorable du FSD (Fonctionnaire Sécurité Défense), qu’il faut solliciter deux mois à l’avance. De même, l’embauche de tout personnel, quelle que soit sa nationalité et son rôle, doit être appouvée par le FSD.
  • Toute visite du laboratoire doit être approuvée par le directeur et ne peut dépasser cinq jours. La pièce d’identité du visiteur est vérifiée à l’entrée, et le visiteur est accompagné en permanence.
  • Toute publication est soumise à l’autorisation du directeur du labo et du responsable d’équipe. De même, un site web personnel ou un blog est soumis à autorisation.

Si ces restrictions se justifient peut-être dans des structures comme la DGA ou le CEA, spécialisées dans les recherches sensibles, elles nous semblent injustifiées, disproportionnées et contre-productives dans la plupart des laboratoires de recherche en informatique. Il est utile de rappeler que la mission de la recherche est de produire et de diffuser de la nouvelle connaissance. L’émulation mutuelle par la coopération internationale, la curiosité et l’ouverture scientifique, le brassage des idées et des informations, l’initiative personnelle du chercheur, sont des ingrédients essentiels au succès de la recherche. Enfin, tout délai dans la publication d’une nouvelle idée est un handicap dans la compétition internationale.

La ZRR paraît spécialement inadaptée, non seulement à la recherche fondamentale en informatique, mais tout autant à la coopération avec l’industrie. D’une part, nous publions prioritairement dans des conférences, dont les dates limites de soumission ne souffrent pas de délai. D’autre part, le partage des idées et des technologies elles-mêmes, dans le mouvement du logiciel libre, a fait la démonstration de son efficacité à accélérer l’innovation, et est adoptée y compris par les industriels les plus innovants, en France comme ailleurs.

Devant les réactions de la communauté, en particulier en mathématiques, la ministre de la recherche, Mme Fioraso, a demandé en décembre 2013 un moratoire sur la création des ZRR. Malgré cela, les ZRR continuent à se mettre en place, comme par exemple au CRAN (Nancy) récemment.

La Société informatique de France soutient les analyses de deux Comités scientifiques des instituts du CNRS, INS2I et INSIS, alertant les pouvoirs publics sur les dangers des mesures proposées et sur le frein pour la recherche que leur mise en œuvre représenterait.